Le deuil suite à la perte de son animal
Il m’aura fallu beaucoup de temps avant de me décider à écrire cet article. Le sujet en lui-même, est loin d’être le plus attrayant, et aborder le deuil suite à la perte de son animal de compagnie m’oblige à me confronter à nouveau à ma propre souffrance.
Alors pourquoi ce texte ?
Aujourd’hui, je me sens plus prête à en parler, et espère également que les lectures et quelques recherches que j’ai faite pour vous écrire ces lignes me permettront de trouver de l’apaisement dans le tumulte d’émotions que je traverse encore aujourd’hui. Et dans lequel j’ai l’impression que je serai encore, pour toujours. J’espère également que les personnes ayant traversé cette épreuve, ou redoutant son arrivée, trouveront quelques réponses face à la crainte qui les gagne au fur et à mesure que le temps passe…
Enfin, j’invite également les proches de propriétaires d’un animal à lire cet article. Afin de mieux comprendre ce que votre ami endeuillé traverse, mais aussi comment votre propre comportement pourra influencer le déroulement de son deuil.
L’intensité du lien humano canin face au deuil
La perte d’un être cher est un moment que nous redoutons tous. Qu’il soit ou non de notre propre espèce. Et cette perte sera d’autant plus douloureuse que l’intensité du lien affectif créé avec l’être perdu.
Ces dernières années, la place de l’animal de compagnie au sein des foyers a totalement changé. Nous sommes loin de l’image du chien vivant dans son jardin, nourri des restes de repas, et dont la principale fonction était la garde de la maison. Maintenant, la plupart des chiens sont pleinement intégrés à la vie de maison, et à ce titre, sont considérés comme un membre à part entière de la famille. Cela a donc poussé les scientifiques à s’intéresser davantage au deuil suite à la perte d’un animal de compagnie.
Le lien affectif entre un maître et son animal est souvent très puissant. En effet, des personnes affirment ressentir un lien affectif plus intense avec leur animal de compagnie qu’avec un autre être humain. Certains auteurs avancent même que chez ces personnes, le deuil de l’animal peut même se révéler plus pénible que la perte d’un semblable.
Meyers (1990 dans Pine et al., 1990) souligne que les qualités retrouvées dans la relation humain-animal ne sont pas que des substituts ou des remplacements mais bien des exemples de relations dans lesquelles les individus sont aptes à retrouver de la joie et de l’agrément.
Selon cette auteure, le lien humain-animal a sa propre raison d’être avec des propriétés uniques à elle. Ce type de lien n’est pas plus ou moins important que d’autres relations ; il est simplement différent, valable et mérite une reconnaissance et du respect. Toujours selon cette auteure, le lien humain animal n’est pas en compétition avec le lien partagé entre deux humains, quoiqu’il soit souvent interprété de cette façon : Peu importe l’interprétation qui est fait de la raison d’être du lien humain-animal, il faut questionner ce que représentent les animaux pour les êtres humains et quel type d’attachement ont ces derniers envers leurs animaux.
Ainsi, nous savons déjà que les études scientifiques ont démontré que le lien unissant un humain à son chien pouvait être aussi puissant que celui unissant une mère à son enfant. Et de manière réciproque. Nul besoin de jugement face à l’intensité de cette relation humano canine. C’est un fait. Encore une fois cette relation a ses propres spécificités, ses propres règles, il est inutile de la comparer à une autre et d’en estimer le ridicule ou l’excès. Il faut seulement la respecter.
La mort de son animal est inéluctable et connue d’avance…
Un des plus grands problèmes émotifs que connaît un individu, face à sa relation avec un animal de compagnie, tient au fait qu’il est conscient de sa courte espérance de vie. Contrairement à la relation humain-humain, les maîtres savent qu’ils risquent de perdre leur animal de compagnie avant de perdre un autre être cher. Souvent les gens s’empêchent d’avoir un animal par crainte d’être un jour témoins de la mort de leur compagnon et d’éprouver un deuil affligeant. Alors que d’autres ne pourraient imaginer leur vie sans leur compagnon à poils.
Cela est comme une sorte de contrat passé avec soi même, au moment où l’on accueille ce petit être sous notre toit. Il est la promesse de multitudes de joies, de bonheurs et d’aventures, mais nous savons qu’un jour, cela nous sera brutalement retiré. Ainsi, lorsqu’un animal est hospitalisé ou lorsqu’il décède, le maître ressent de l’anxiété, de la peur, de la colère et de la peine qui, à la limite, sont tous des symptômes spécifiques du deuil.
Dans ce cas, tout attachement se révèle risqué puisque ce dernier peut impliquer un investissement d’amour. Ainsi, la rupture de ces attachements déclenche une réaction de deuil, une réaction dépressive, voire mélancolique. Typiquement, les personnes ayant perdu un animal de compagnie éprouvent de l’anxiété, du déni, de la colère, de la culpabilité et de la solitude ; réactions similaires à celles observées lors de la perte d’un être humain.
Et plus l’attachement est fort, plus l’ajustement au deuil se fait difficilement.
La vision scientifique du deuil d’un animal de compagnie
La recherche de Quackenbush identifie cinq étapes qui caractérisent le processus de deuil suite à la perte d’un animal de compagnie, à savoir :
- le déni (refus d’accepter la réalité de la mort de l’animal de compagnie)
- la colère (souvent, cette colère est orientée vers le vétérinaire et envers leur animal qui vient de décéder)
- la culpabilité (puisque le maître se sent souvent entièrement responsable de l’animal, ce sentiment est souvent présent suite à un processus d’euthanasie)
- la dépression (ce n’est pas rare que les maîtres endeuillés entrent dans une brève période de dépression; souvent ces derniers se sentent seuls, ils ont une perturbation de l’appétit et du sommeil et ils remémorent beaucoup les souvenirs de leur animal décédé)
- et finalement, la résolution (le maître peut quand même se sentir triste en repensant à son animal mais ce dernier peut remettre le décès de l’animal en perspective tout en reprenant son fonctionnement quotidien productif et satisfaisant)
L’influence de l’environnement sur la personne endeuillée
D’autres études ont abordé l’impact de l’entourage et de la crainte du jugement sur les étapes du deuil. A cause d’un manque de reconnaissance du deuil suivant la perte d’un animal de compagnie, les maîtres ne vivent pas leur deuil aussi ouvertement que lorsqu’un individu perd un autre être cher. En effet, la société, pour la majeure partie, encourage l’expression du chagrin suite à la perte d’un être cher. Parcontre, lors de la perte d’un animal de compagnie, la réaction parfois négative de la société peut mener le maître endeuillé à questionner ses sentiments de tristesse et de chagrin quant à savoir s’ils sont normaux ou s’ils devraient être présents ou non. Pour certains individus, la perte d’un animal de compagnie signifie beaucoup plus que la perte d’un simple animal.
Cette perte marque aussi la fin d’un épisode de leur vie impliquant ainsi le début d’une panoplie de nouvelles expériences quotidiennes inconnues. La place qu’occupait l’animal doit dorénavant être remplacée par de nouvelles activités et de nouvelles interactions. Le maître endeuillé se trouve donc dans une période importante de réajustement. Plusieurs chercheurs soulignent le fait qu’un bon système de soutien, une compréhension emphatique, de bons conseils et de la compassion soient des éléments essentiels d’un support aux endeuillés en détresse. On observe souvent une exacerbation du deuil suite à la perte d’un animal de compagnie lorsque le maître s’aperçoit qu’il y a un manque de compréhension de la part de son entourage. Cette absence d’empathie peut donc affecter le processus normal du deuil, notamment en poussant les personnes endeuillées à éviter tout contact social là où il y aurait possibilité d’entendre des commentaires négatifs ou réprobateurs tels que « Arrête de pleurer, ce n’était qu’un animal, après tout, ça se remplace! ».
Evidemment ces types de commentaires peuvent sérieusement troubler le processus de deuil puisque la personne endeuillée s’empêche alors d’exprimer sa détresse, ses ennuis et reste aux prises avec sa colère suscitée par la perte et s’en défend par l’isolement, le retrait social et l’évitement.
Un autre élément qui peut accroître le retrait social des maîtres endeuillés est le manque de rituels appropriés et reconnus par la société. Il a été démontré dans le cas de la perte d’un être cher que les rituels peuvent faciliter l’expression des émotions associées au deuil. Ces rituels étant presque absents suite à la perte des animaux de compagnie, les maîtres sont privés de plusieurs occasions afin de travailler leur deuil
Le deuil de la perte d’un animal face à celui de la perte d’un congénère humain
Dans une volonté de mieux comprendre la différence entre le deuil suite à la mort d’un congénère, et celui de son animal, Adams et Cohen ont tenté d’établir une théorie cognitive (en cinq étapes) qui reflète les caractéristiques qui sont présentes suite à la perte d’un animal de compagnie, à savoir :
- une tentative de comprendre l’événement de la mort,
- L’interprétation des réponses et des réactions des gens dans l’entourage afin de déterminer la façon d’agir qui serait appropriée suite à la perte de l’animal
- un processus cognitif par la voie de la justification et la rationalisation afín d’expliquer la mort de l’animal
- le regain de la stabilité émotive et finalement
- la réflexion au sujet du rôle que jouait l’animal dans la vie du ou des maîtres tout en appréciant le développement personnel qu’a suscité le décès de l’animal
Les conséquence de la mort de l’animal de compagnie sur son humain
Tout au long du processus de deuil, plusieurs symptômes somatiques peuvent être observés notamment le fait de pleurer, la nausée, l’engourdissement, la fatigue, la perturbation du sommeil, les serrements à la poitrine, la bouche sèche et les difficultés respiratoires (Stewart, 1999). Pendant la période du processus de deuil, les personnes endeuillées questionnent souvent leur santé mentale devant leur comportement qu’ils jugent inhabituel. Par exemple, elles entendent encore les pas de l’animal dans la maison, ce qui peut sembler anormal. Or, ces comportements sont normaux et font partie du travail du deuil vers un rétablissement absolu.
Quoi retenir de tout cela?
comportements sont normaux et font partie du travail du deuil vers un rétablissement absolu.
Si l’on devait retenir quelques éléments importants au travers de texte, ce serait sans doute la nécessité que la société reconnaisse, dans son ensemble, la réalité du deuil animalier. Que ce dernier est dur pour la personne endeuillée, nécessite du temps, de la reconnaissance et de la compréhension de la part de son entourage, professionnel ou personnel. Que ce deuil sera propre à chaque individu, en fonction de la relation qu’il entretenait avec animal.
La mise en place d’une cérémonie, d’un rituel ou de tout acte symbolique que vous jugerez utile pour vous soulagez, permettez vous de le mettre en place, sans vous souciez du regard des autres. C’est votre épreuve, votre parcours pour vous remettre. Il n’y a pas de mode d’emploi à respecter. Tentez de vous écouter.
Si vous avez la chance d’avoir un entourage qui comprend et respecte la peine que vous cause la disparition de votre compagnon de vie, il est important que vous vous autorisiez à partager vos émotions avec eux. Certaines personnes auront besoin de s’étaler, d’autres juste quelques mots sortis soulageront un peu… Et parfois la présence d’un ami suffira à apaiser un instant la tristesse que vous ressentez.
Partage personnel
D’un point de vue plus intime, mon chien est parti il y a déjà plusieurs mois. C’est tout l’équilibre de notre foyer qui s’est effondré, pour chacun de ceux qui le compose : mon mari, ma chienne et moi. Je me suis beaucoup inquiétée pour eux, tentant d’être présente pour « mon humain » mais aussi pour ma chien loup, tout en sachant que je ne pourrais jamais remplacer la présence canine qu’elle avait perdu brutalement… J’ai du également subir ma peine.
Nous avons fait notre cérémonie à nous, et avons créer un endroit où nous pouvons nous recueillir si nous en éprouvons le besoin.
La douleur est toujours présente, il n’y a pas un jour où je ne pense pas à lui. Je m’oblige même à me remémorer une anecdote, un souvenir d’un épisode de vie ensemble. Car j’ai peur d’oublier, cela m’effraie. J’ai encore énormément de mal à regarder des photos ou des vidéos de lui, les larmes inondent rapidement mes yeux.
La présence de mon mari et de ma chienne, a été un soutien incontestable. J’espère que la réciproque est vraie. Soutenir l’autre et se soutenir, tel a été notre devise silencieuse dans la maison. Ma famille et mes amis étaient présents également.
Je recherche dans mon quotidien, le moindre petit clin d’œil que mon compagnon Futé pourrait me faire de là où il est. C’est ma croyance, elle m’apporte réconfort et je n’oblige personne à la partager.
Nous avons depuis accueilli un nouveau canin chez nous, Manny, qui a 4 mois à ce jour. Sa présence a été un souffle nouveau dans la maison. Ce petit chiot a réussi à trouver sa place au milieu de nous trois. Êtres encore peinés de la perte de leur précieux Futé. Il n’imagine pas la source de réconfort qu’il peut être pour nous. Ces frasques et son innocence sont un baume au cœur inestimable.
Mais à aucun moment il ne s’agit de « remplacer » l’être perdu… Que je hais ce mot. Simplement car c’est impossible. Personne ne cherche à remplacer son chien disparu lorsqu’il autorise un nouveau compagnon canin à entrer dans sa vie. Ce n’est que l’ouverture d’un nouveau chapitre dans leur histoire, mais cela n’efface en rien les pages précédentes. Bien au contraire, souvent elles serviront de socle pour la suite du livre de leur vie. Rien ne s’oublie, tout ce célèbre…
A tous ceux qui ont perdu leur précieux ami canin,
A tous les chiens qui nous ont quitté, toujours trop tôt,
A ma petite étoile australienne.
3 commentaires
Gonzalez
Cet article est un hommage à tous ces compagnons à poils qui ont ” quitté ” leur maître les laissant dans la détresse, mais en même temps quelle chance de les avoir connus….et d’avoir réussi à établir ce lien indéfectible , la petite étoile australienne ne vous laissera jamais tomber, et Manny va contribuer à continuer votre histoire…
Martine GUIZIOU
C’est à fait cela ! C’est un vrai deuil qui fait très mal
Gonzalez
Cet article est un hommage à tous ces compagnons à poils qui sont partis en laissant leur maître dans la détresse , mais qui ont eu la chance de les avoir connus , le lien créé restera indéfectible , la petite étoile australienne sera toujours près de vous et le petit Manny contribuera à continuer votre histoire…