Les chiens loups et les chats : les risques de la prédation et les conditions de leur cohabitation

🤓 Réflexions à partir de l’ouvrage « Tout sur la psychologie du chien », de Joël DEHASSE

C’est une question qui revient énormément sur les groupes de CL « Je rêve d’avoir un chien loup depuis longtemps, mais je possède un chat à la maison. Est-ce que la cohabitation va bien se passer ? ». (Et vous pouvez étendre cette question à tous les autres animaux de compagnie susceptibles d’être trouvé sous votre toit).

Tout d’abord, voici quelques notions importantes :

1) Pour le chien

« Quand le chien chasse, très souvent, il chasse pour chasser. Pour combler une pulsion interne à exprimer une série de comportements (des patrons moteurs) dont l’enchaînement est ce que nous appelons chasser ou comportement de prédation. Les différents patrons moteurs que vous pouvez observer sont :

• L’orientation
• La fixation visuelle
• La traque
• La poursuite
• La capture
• La mise à mort
• Le rapport
• La dissection

Chaque patron moteur existe indépendamment des autres. Mais, dans cette série, chaque élément est un déclencheur du patron moteur suivant. Et, en absence de déclencheur adéquat, chaque patron moteur peut s’exprimer éventuellement sans déclencheur (à vide) ou avec un déclencheur de substitution. »

Si vous prenez le temps d’observer votre compagnon, ou même des chiots, vous verrez que chaque individu, exprime à un degré varié, l’un de ces patrons moteurs de manière tout à fait spontanée (course poursuite, fixation sur un jouet qui bouge et qui couine, dépeçage de la peluche etc…).

L’Homme a même cherché à entretenir et développer certains de ces comportements : les retrievers rapportent, les terriers aboient pour signaler au chasseur où se trouve la proie, les borders fixent sur le troupeau. Par la sélection génétique, sur des centaines d’années, l’Homme a donc réussi à sélectionner les patrons moteurs qui l’intéressait, en parvenant à « éteindre » ceux qui étaient indésirables.

La socialisation inter spécifique (le chien vis-à-vis d’une autre espèce) se fait durant la phase d’imprégnation, qui en fonction des auteurs se situe entre la 2ème semaine de vie et le 3ème mois.

Cette socialisation ne fait pas l’objet d’une généralisation, c’est-à-dire que, ce n’est pas parce que le chiot côtoie le chat roux de son éleveur en toute amitié, qu’il aura la même affinité avec le chat gris à poils longs de sa future famille… De plus, cette socialisation est effaçable, autrement dit, elle doit être entretenue dans le temps pour perdurer. Le travail de base fait par l’éleveur est donc primordial pour construire le socle d’un chien sociable avec les différentes espèces qu’il croisera, MAIS, il ne garantit pas, surtout sans participation de sa future famille, que le chien restera amicale avec « les non canins ».

« L’imprégnation aux animaux est rarement satisfaisante pour le chien de famille urbain. Dans le meilleur des cas, une socialisation bien faite bloque la prédation. L’insuffisance de socialisation entraîne des comportements de chasse sur des types d’animaux auxquels le chien n’a pas été imprégné. »

Tout sur la psychologie du chien, Joël DEHASSE

2) Le loup

« Le loup est un chasseur polyvalent, nerveux, intelligent et efficace : il peut chasser seul, en groupe, utiliser des techniques de harcèlement et de rabattage de la proie qu’on ne retrouve pas chez le chien familier.
La période d’imprégnation existe chez le loup, mais elle est très limitée : entre la 2ème et 3ème semaine de vie (contrairement au chien où elle est plus étendue, comme vous avez pu le lire précédemment). »

3) Alors pour le chien loup, ni loup, ni vraiment chien ?

J’attire votre attention sur le fait que les données sont principalement empiriques sur ce sujet. Et issus, pour la plupart, de témoignages d’éleveurs et de propriétaires de chiens loups.

Le chien loup que ce soit le saarloos, le tchèque… sont des races encore récentes. Et la prédation est bien ancrée dans leur génétique. Ce ne sont pas des loups, certes, mais ils sont plus proches de canis lupus que le berger australien du voisin, quoiqu’on en dise.

Donc, lorsque vous vous demandez s’il est sage de vouloir acquérir un CL alors que votre minou habite avec vous depuis quelques années, et que vous l’aimez comme un membre de votre famille… La question du « bénéfice-risque » est tout à fait appropriée. Vous faites entrer « le chien loup dans la bergerie ».

Combien d’éleveurs aussi consciencieux soient ils, ont à leur portées chats, poules, chevaux, lapins etc ? Et mettent en place des séances de socialisation avec leurs chiots pour construire ce fameux socle ? Etes vous prêt à poursuivre ce travail ? Comment être certains que votre chiot tolèrera le chat de la maison ? Combien de temps ? Comment votre chat va réagir lui aussi?

Les comportements de harcèlement pendant les phases de jeux sont rares chez les chiens, mais chez les chiens loups, ils sont largement observées. Tout comme les différents patrons moteurs qui constituent l’acte de chasse.

De plus, et c’est peut être là le plus important «Chaque patron moteur existe indépendamment des autres. Mais, dans cette série, chaque élément est un déclencheur du patron moteur suivant. Et, en absence de déclencheur adéquat, chaque patron moteur peut s’exprimer éventuellement sans déclencheur (à vide) ou avec un déclencheur de substitution».

L’un des déclencheurs de prédilection de la chasse est la course.

C’est l’histoire du joggeur ou du cycliste qui se retrouve avec un chien qui lui court après pour lui attraper le mollet. Pourtant ce chien n’avait jamais montré de comportement agressif envers l’humain auparavant…

De manière schématique, l’objet en mouvement réveille l’instinct de poursuite, qui enclenche la série des patrons moteurs suivant. Il faut garder à l’esprit que le chien qui adopte ce comportement n’est pas méchant, c’est un comportement naturel, ancré au plus profond de ses gênes, endormi, et réveillé par l’objet en fuite. Votre chien rentre alors en mode « automatique », drivé par la partie la plus primitive de son cerveau, la plus instinctive, la zone reptilienne. Et tant que cette zone est allumée, vous aurez du mal à reconnaître votre chien.

Revenons en maintenant à nos CL, races récentes, proches de canis lupus. Connues pour son intelligence, sa sensibilité, son indépendance, son instinct prononcé… Qui tranquillement coucher dans le jardin voit passer le chat, le chat qui n’avait pas fait attention à la présence du chien, qui va vouloir se carapater. Le chien qui fixe et part à sa poursuite et parvient à l’attraper…

Malheureusement, c’est le vécu de bon nombre de propriétaires de chiens loups. Des drames qui sont survenus souvent des années après l’arrivée du CL ou du chat. Car malgré une bonne socialisation, cette part d’innée est toujours présente et bien ancrée, et je pense, plus chez le CL, que chez le chien.

Alors oui, n’importe quel éleveur de CL qui saura que vous avez un chat chez vous, vous dira de ne jamais laisser loulou et minou seuls, ensemble. Il vous préconisera d’aménager systématiquement une porte de sortie pour le chat, un endroit où se réfugier, où être hors de portée du chien loup. Et oui, même si cela déplaît, le risque 0 n’existe pas.

Et bien évidemment, pour semer le doute dans l’esprit d’un néophyte qui veut accueillir son CL chez lui, malgré la présence de son chat, il y aura toujours des exceptions qui confirment la règle, et des témoignages pour dire « moi mon CL et mon chat, c’est le grand amour… », « n’écoutez pas ce que les gens vous disent, ça se passe très bien entre Minette et mon CL… », « si vous faites bien l’éducation de votre chien tout ira bien »…

Pourquoi avec eux, ça a marché et pas avec d’autres ? La génétique, l’environnement et je le pense sincèrement, une part de chance. Ne vous y méprenez pas, IL y aura TOUJOURS une incertitude. Gardez à l’esprit que si le pire n’est jamais certain, il est toujours possible.

Si malgré cela, vous voulez vous lancer dans l’aventure CL et chat, voici quelques conseils qui pourraient s’avérer utiles :

• Privilégiez un éleveur qui aura commencé à sociabiliser ses chiots aux félins
• A l’arrivée du chiot, prévoyez les fameuses portes de sorties et les refuges pour votre chat
• Travaillez l’inhibition à la poursuite avec des chiens sans compétence de chasse et qui ne déclenchent pas un réflexe de poursuite quand ils voient un chat courir. Ces chiens pourraient être celui de la maison, du voisin, d’un éducateur.
• Poursuivez l’imprégnation avec une multitude de types de chats
• Faites un énorme travail sur les thématiques suivantes : le focus, les auto contrôles et le rappel

J’espère que cet article aura apporté quelques lumières à tous les futurs propriétaires de CL mais aussi peut être aux éducateurs et comportementalistes connaissant peu ces races à part.

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