Le confinement : un outil de rééducation inattendu pour l’hypersensibilité canine
Pourquoi cet article?
Les propriétaires de Chien Loup de Saarloos (CLS) se reconnaîtront sûrement dans ces lignes, tant le saarloos est un chien particulier. Mais elles peuvent aussi être aussi inspirantes pour tous ceux qui ont un compagnon montrant de l’hypersensibilité face à son environnement.
Ce partage d’expérience peut vous donner des pistes et vous faire réfléchir sur votre manière d’aborder le stress de votre chien et sur les solutions que vous mettez en place pour l’aider.
Le confinement est une expérience qui nous a tous mis à l’épreuve, chiens comme humains. Mais, à circonstance exceptionnelle, mesure exceptionnelle et… environnement exceptionnel!
Un environnement qui a été pour moi, l’occasion de travailler des axes d’éducation que j’avais, je dois l’admettre, mis de côté avec ma chienne.
Lovely, CLS de 4 ans, est une chienne sensible à son environnement, en digne représentante de sa race. Et l’un des points que j’ai toujours eu du mal à travailler avec elle, est la marche en laisse, en milieu urbain.
Pourquoi ?
Déjà, car il y a 4 ans, j’avais moins d’outils et de connaissances à ma disposition et les sorties urbaines avec ma binôme représentaient pour nous un énorme défi. Ce qui posait le plus problème à ma protégée : les gens ! Les petits, les grands, ceux qui passent trop près, les enfants qui courent et crient, ceux qui rient fort, ceux qui veulent absolument l’approcher, la caresser (quit à ce que je me transforme en tigresse défendant son petit parfois)… Ajouter à cela les voitures, les vélos, les motos, les bruits citadins… Whaooo ! Une somme astronomique d’informations à « accueillir » pour ma jeune chienne, et un gros travail d’accompagnement pour moi. Les alentours de mon lieu d’habitation étaient très fréquentés, pas forcément rassurant pour une jeune femme seule, se baladant avec une saarloos apeurée. Nous l’avons quand même fait, mais avec le recul que m’offre mon expérience : sans doute pas assez, et pas de la meilleure des manières. Et c’est un travail que j’ai inconsciemment mis de côté.
Donc ma chienne, même si elle les tolère tant bien que mal, n’a jamais apprécié les balades en ville. Et si foule il y a, cela reste une épreuve hautement stressante pour elle. Malgré notre déménagement dans une zone moins dense démographiquement.
Et voilà que le confinement arrive!
Avec ses interdictions de sorties en forêt certes, mais, ses humains en quarantaine à la maison, la quasi disparition de la circulation, les passants qui s’évitent… Le calme qui s’installe dans la cité! Pour ma chienne et moi ? Une opportunité !
L’opportunité de réconcilier Lovely avec les balades en ville, dans les zones pavillonnaires… Car pour rééduquer un chien, et recréer un apprentissage par association positive… Rien de mieux qu’un contrôle accru de l’environnement ! La chance du « pas de bruit », de voir au loin ce qui approche, de pouvoir s’écarter facilement des passants, des chiens qui se jettent sur les portails… Une aubaine !
J’ai donc mis en place un nouveau travail avec Lovely, pour lui faire redécouvrir les balades urbaines, en laisse, et casser cette association négative qu’elle avait faite entre la rue et elle.
Notre travail de rééducation à la ville
En 1er lieu, j’ai voulu laisser un maximum de choix de décision à la chienne, tout en assurant sa sécurité physique et psychologique ! J’ai utilisé une longe de 5-6 mètres, qui offre une liberté d’action appréciable par rapport à une laisse classique, et je me suis laissé guider.
Durant les 1ères sorties, la chienne se montrait hyper vigilante : oreilles dressées, yeux grands ouverts, analyse du moindre bruit, fixation sur tout ce qui passait dans son champ de vision, sursaut… J’ai pris le temps de l’observer, de la rassurer quelques fois par des mots doux, une légère caresse. Pour lui montrer que j’étais bien présente pour elle, mais que c’était elle qui décidait du chemin à prendre, des moments d’arrêt, du rythme de notre marche, de quand et comment s’éloigner de certains humains ou de ce qui la gênait etc…
Puis au bout d’un moment, Lovely a commencé à s’autoriser à renifler le sol, les arbres… A se montrer curieuse en risquant des coups d’œil dans les jardins des maisons. Pour mon plus grand plaisir. Je pouvais voir ses muscles se détendre, sa démarche chaloupée et souple réapparaître, la longe qui se tendait de moins en moins… Je pouvais presque l’entendre me dire « En fait, il y a tout un tas de trucs intéressants… »
C’est dans ce genre de situation que le clicker training, ou l’utilisation de marqueurs verbaux pour récompenser le « bon comportement » prend tout son sens. Et là, le bon comportement c’est « juste » d’être détendu, zen, et de profiter du moment. N’est ce pas l’objectif vers lequel nous devrions tous tendre avec notre compagnon ?
Durant les semaines écoulées j’ai pu ainsi observer ma chienne changer, se rapprocher davantage des gens, réduire ses écarts (même si je dois avouer qu’avec une saarloos, les règles de distanciation sociale sont largement respectées lol). Elle a pris l’initiative de se rapprocher des grilles, des portails, d’observer les voisins dans leur jardin pendant plusieurs minutes, curieuse. Et je la laissais faire avec plaisir. De temps en temps, un échange de regards entendu entre nous, permettait de savoir si nous repartions en marche ou si ce petit coin d’herbe méritait qu’on s’arrête davantage.
J’ai été aussi surprise de voir le comportement de Lovely vis-à-vis de tous ces chiens plus ou moins surexcités, laisser à l’avant des maisons.
Avant le confinement, j’avais entamé un gros travail avec elle car, pour une raison que j’ai encore du mal a identifié (les mystères saarloosiens), Lovely était devenue réactive à la plupart de ces congénères.
J’ai attendu que le comportement « zen » soit adopté quasi systématiquement pendant les balades et nous sommes allés explorer les rues « à chiens ». Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai constaté que Lovely émettait des signaux amicaux envers ses congénères, même les plus excités ! Se risquant même à quelques tentatives de léchouilles de babines. Vite! Que je félicite ce bon comportement “click”!
Au fil de balades, Lovely s’est mise à ignorer les chiens les plus agités derrière leurs barreaux, et s’intéresser aux plus calmes uniquement.
Je ne sais pas pour vous, mais chez nous, le confinement a provoqué également une recrudescence des sorties pour motif « je balade mon chien ». Là encore, une belle opportunité pour notre binôme! La baisse du nombre de promeneurs ainsi que celle de la circulation nous a aussi offert davantage de possibilité pour mettre la bonne distance entre ma chienne et le congénère la faisant réagir.
Là encore, avec une bonne observation et une bonne anticipation, j’ai pu, à grands coups de clicker, de mots doux et de friandises, féliciter ma chienne lorsqu’elle se montrait calme.
Jusqu’à parvenir à croiser un autre chien dans la rue, ou un autre couple maître-chien qui marche derrière nous dans le même sens, sans que Lovely ne se retourne… Et qu’elle m’offre ce magnifique « regard entendu ». Autant dire que je le récompense autant que je l’adore…
Ainsi, le confinement m’a donné l’environnement opportun afin de reconstruire de nouvelles bases sur 2 problématiques que j’ai avec ma partenaire : les balades urbaines et les croisements de congénères.
Je ne sais pas quels seront les effets de tout cela lorsque nous reprendrons tous un rythme de vie normal, mais j’ose espérer que ce fut une expérience tout aussi enrichissante pour elle que pour moi.
En conclusion
On le lit et l’entend de plus en plus, mais cette expérience ne fait que le confirmer : l’environnement et son contrôle sont primordiaux pour accompagner au mieux votre chien pour développer son attention sur vous (le focus) ainsi que ses auto contrôles.
Laisser aussi l’opportunité à votre chien de choisir, de mener la balade, aura des bénéfiques sur votre relation, lui donnera confiance en vous et en lui. Certains chiens ont besoin qu’on leur laisse le temps d’observer, d’analyser… Avant de pouvoir se sentir bien dans leur environnement. Il est fondamental que vous le laissiez faire. Combien de maîtres voyons nous dans la rue, pressez, ignorant leur compagnon qui tente désespérément de sentir une odeur, d’observer ce qui se passe autour de lui?
Une balade devrait toujours être un moment de partage entre vous et votre chien. Où, même après des années, chacun apprend à connaître l’autre, à le lire, à communiquer pour passer un bon moment ensemble. Laisser votre chien mener la danse durant une promenade ne veut pas dire qu’il dirige et vous domine (pitié!), mais plutôt que vous lui donner de l’autonomie, de l’écoute, et un semblant de liberté. Cela voudra juste dire que vous êtes un bon accompagnant pour lui !
Alors à vous de vous assurer de faire chaque sortie un moment privilégie et enrichissant pour votre binôme 😉