Rencontres avec congénères : et si votre chien n’avait pas envie ?
La sociabilisation de notre chien devient un sujet prépondérant dans le monde de l’éducation canine. Là encore, il est difficile de s’y retrouver lors que l’on devient néo responsable d’une petite boule de poils, si mignonne, et pour laquelle on veut bien faire. Nous sommes passés du discours vétérinaire « votre chiot doit rester sous cloche jusqu’à ses 4 mois pour des raisons sanitaires« , à « il doit vivre un maximum d’expérience entre le 2eme et le 3eme mois de sa vie, période cruciale pour en faire un adulte équilibré« . Est inclus dans ce conseil plus ou moins avisé, les rencontres avec congénères, pour que votre chiot soit bien codé. Et là… il y a du très bien et du beaucoup moins bien. Y compris dans les clubs canins et les fameuses écoles du chiot.
Et ce flou artistique est également valable pour les chiens adultes et la nécessité absolu de les sociabiliser et leur faire rencontrer des congénères très régulièrement. Alors que faire ? Qui écouter? Cet article est là pour vous aider à accompagner votre chiot/chien mais aussi à vous donner des pistes de réflexion sur la gestion des rencontres avec « les autres ». Et comment faire de votre compagnon un individu bien dans ses pattes, qui a confiance en lui et en vous.
Le chien, cet être social
Oui, un chien a besoin d’interactions avec ses congénères pour apprendre et peaufiner toutes les subtilités du langage de son espèce MAIS… pas n’importe comment, pas dans n’importe quelles conditions et pas avec n’importe qui! Les fameux « les chiens vont se gérer tout seul », les « maternelles de chiots » avec les lâchers d’individus de toutes tailles, de tous les âges, de tous gabarits, de tous caractères… sans connaissance du profil de chacun, plus ou moins surveillés … Non! Tout comme les fameux « chiens régulateurs » qui seraient l’élite du chien, sachant gérer tous les canins qui croisent leur route… Toutes ces situations doivent susciter une certaine méfiance.
Pour rappel
Le loup vit en meute et évolue au sein d’une structure sociale où chacun tient son rôle. Au cours de sa vie, un individu sera amener à quitter sa meute pour en intégrer une autre ou sinon pour fonder la sienne.
De nos jours, beaucoup font encore le raccourci que, comme le loup est un animal de meute, le chien l’est également. Or, de nombreuses études scientifiques, comme celle de Ray Coppinger, ont pu démontrer que non, le chien n’est pas un animal de meute !
« La famille n’est pas du tout son système. Le chien vit seul ou en tous petits groupes fluctuants. C’est un canidé tantôt solitaire (semi solitaire), tantôt social (en mode amical), au gré de ses besoins et des opportunités qui se présentent à lui (…) Le chien est mu par la satisfaction de ses besoins et motivations personnels. Une information primordiale pour qui a l’ambition de s’en faire un ami. Le chien est donc le contraire du loup dont le système repose sur la famille ».
Le chien, cet animal qui nous échappe, Audrey VENTURA
Une fois que cette donnée est portée à notre connaissance, il est impératif de se questionner sur ce que notre chien recherche vraiment, et ce qu’il est capable de gérer.
Que faire de cette information?
Lors de ma formation chez Un chien (presque) parfait, (pour lire notre article sur le sujet, cliquez ici) nous avons pu constater que la majorité des chiens du groupe considérés comme réactifs, voir agressifs, sont en fait des individus qui détiennent déjà toutes les compétences pour communiquer avec leurs congénères. Mais que, si on leur laisse le choix et le temps de l’observation, ils ne cherchent simplement pas le contact avec l’autre. Nous avons pu ainsi voir plusieurs chiens évoluer sur un très grand espace, et qui se sont « arrangés » pour cohabiter sans se croiser, sans violer l’espace de l’individu en face. N’est ce pas amplement suffisant au final ?
Prenons un exemple plus simple : je n’aime absolument pas évoluer au sein d’une foule (exemple : les centre commerciaux, faire les courses…), je suis capable de le faire par nécessité mais cela deviendrait rapidement un enfer pour moi si l’on m’imposait d’évoluer tous les jours dans ce type d’environnement. Ce qui ne m’empêche pas d’être poli avec les autres, et de savoir me comporter socialement correctement. Mais, si on m’oblige à supporter la proximité de nombreuses personnes inconnus près de moi, qui me bousculent, veulent me parler alors que j’en ai aucune envie, ou encore m’agressent physiquement, oui il est fort probable que je devienne très désagréable ! En plus du mal être émotionnel que ces situations engendreraient chez moi.
C’est exactement la même chose pour votre compagnon.
2 cas concrets que je connais « plutôt » bien
J’ai 2 individus totalement différents chez moi :
- Futé, mon berger australien, de bientôt 12 ans, a tendance, maintenant, à ignorer royalement tous les chiens que nous pouvons croiser en balade. Sa principale préoccupation est d’être proche de moi et de pouvoir renifler et marcher à son rythme. Je ne lui propose quasiment que des balades avec des chiens qu’il connait déjà, et en petit groupe d’individus. Je sais qu’il souffre d’arthroses, qu’il a besoin d’un rythme de marche doux, et qu’il ne souhaite pas avoir à gérer de jeunes chiens fougueux…
- Lovely, ma chien loup de saarloos, montre de la réactivité face à ses congénères. J’ai tenté diverses méthodes de travail : travail sur la distance avec une grande longe, sur le renoncement, sur les auto contrôles… Jusqu’à ce que Paulina Druri me propose une autre façon de gérer les interactions. Notamment, dans des espaces qui ne permettaient pas de travailler comme je le souhaite. Lorsque Lovely fixait sur un chien j’avais tendance à me stopper, à l’empêcher d’avancer, et à attendre qu’elle se détourne. Maintenant j’ai changé de stratégie, je suis davantage Lovely lorsqu’elle tire sur la laisse et qu’elle voit un congénère. Et j’ai été surprise de constater que la plupart du temps, elle ne m’emmène pas droit sur la cible, mais passe par là où est passé l’autre chien pour prendre un maximum d’informations olfactives, et marquer à son tour (uriner, se secouer, se frotter…). Et je peux voir progressivement le corps de la chienne se détendre, et passer volontairement à autre chose ! Lovely fait également des balades collectives mais je suis de plus en plus sélectives sur les individus que je lui « présente». Je note tout de même que de manière générale, lorsqu’elle est avec 4, 5 chiens, elle propose rarement des interactions physiques avec ses congénères.
Alors… Quoi faire?
Dans le cadre de la sociabilisation de votre chien, privilégiez la qualité à la quantité des rencontres. Prenez le temps de connaître votre binôme, mais aussi les chiens que vous voulez lui faire découvrir. Prenez un soin particulier aux premiers instants des présentations. Ne forcez pas les choses, faites en sorte que votre partenaire ne soit pas acculer par un congénère trop enthousiaste mais aussi que le votre n’accule pas un autre chien. Alors oui, cela sous-entend que les balades canines collectives doivent être préparées un minimum en avance. Tout comme le lieu et l’heure de la balade, en fonction des besoins de votre 4 pattes. Que cette balade soit pour lui un instant de plaisir et d’apprentissage constructif, et non de stress. Parfois vous pourrez proposez des conditions de balade optimale, parfois non, et il faudra vous adaptez !
Dans cette vidéo, vous pourrez nous suivre lors d’une balade où, justement, l’environnement n’était pas celui que j’avais prévu! Vous verrez comment Lovely et moi nous sommes adaptées :
Et la réciproque est vraie ! Pensez à votre chien oui, mais aux autres également ! Vous ne connaissez pas le chien en face, peut être est il gentil, ou peureux, ou anxieux… C’est votre devoir de faire en sorte que votre compagnon ne soit pas une source nuisance pour les autres !
Un chien qui arrive à plein vitesse sur un autre chien, en laisse, qui travaille son relationnel avec ses congénères depuis des semaines avec son humain, peut détruire des heures et des heures d’investissement ! Lorsque vous ne connaissez pas, vous ne pouvez pas savoir, vous ne pouvez pas être sûre de faire une erreur, pour votre chien, ou pour l’autre, donc dans le doute… Rappelez et rattachez votre binôme !
En conclusion
Oui, il faut sociabiliser votre chien et lui permettre de rencontrer d’autres congénères. Mais avec tact et mesure. En gardant en tête que votre partenaire :
- peut ne pas aimer être confronter à d’autres
- qu’il a le droit d’être sélectif dans ses relations
- aimerait sûrement avoir la possibilité de ne pas aller à la rencontre du chien d’en face
- aura des profils de chiens a rencontré qui lui seront bénéfiques dans son évolution, alors que d’autres seront plutôt à éviter
L’ensemble de ces paramètres dépendront bien souvent de vous, de vos choix de balade, de votre comportement, et de votre propre gestion de l’environnement. Alors, soyez juste et judicieux pour votre chien.