RECIT D’UN TRIPTYQUE PAR UN EDUCATEUR CANIN
Dans notre terre du milieu canin s’opposent encore et toujours différents clans : les Elfiques 100% positifs, les Orques 100% coercitifs, et entre leurs territoires se trouvent « les autres »: humains, hobbits, nains… Mais vous connaissez déjà l’Histoire n’est-ce pas ? Tous ces peuples ont leurs propres croyances, leurs propres méthodes, oserais-je dire leurs propres cultures ? Et autant certains sont prêts à faire découvrir et partager leurs savoirs, autant d’autres le défendent férocement, bercés dans leurs certitudes d’être le meilleur des clans, celui qui domine les autres, le détenteur de l’anneau heu je veux dire du savoir Unique.
Après ce singulier préambule, chacun aura compris que cet article se fixe l’ambitieux mais non moins louable but de transformer un peu la vision de ce sempiternel conflit en changeant de paradigme. Et peut être qu’un jour, pour l’intérêt de tous, pourrons nous créer la Communauté du Canin ? Oui je sais je reste une éternelle utopiste.
Pour commencer, il convient d’évaluer l’intérêt des différentes méthodes d’apprentissage cynophile. A cet effet, considérons ce triptyque didactique couvrant la « méthode éducative- efficacité-bien-être animal ». A mon sens, il contient les problématiques que chaque éducateur canin, et chaque propriétaire a, ou devrait avoir en tête, lorsqu’il s’attelle à l’éducation de son chien :
Détails du triptyque
- Le type de méthode employée : nous allons opposer 2 extrêmes, une méthode 100% en renforcement positif à une méthode uniquement coercitive.
- L’efficacité de la méthode choisie basée sur la rapidité des résultats : même si chacun admettra que l’obtention de résultats peut prendre du temps, nous sommes tout de même pressés qu’ils arrivent ! Et c’est d’autant plus vrai que le problème à résoudre est contraignant dans notre vie d’humain (chien destructeur, chien agressif, chien aboyeur, chien peureux…). Autant que ces comportements gênants soient le plus rapidement réglés, non ?
- Le respect du bien être physique et émotionnel de l’animal. Les consciences s’éveillent, et cela est devenu un sujet récurrent dans notre société. Appuyée également par des études scientifiques toujours plus nombreuses et plus accessibles, la volonté de plus en plus d’humains est d’éduquer son chien avec bienveillance, en prenant conscience que l’être à poils en face de nous est doué de sensibilité et d’intelligence. Et que pour ces raisons, il faut le respecter.
Maintenant, imaginez-vous aux commandes d’une table de mixage avec 3 curseurs, qui permettent chacun de régler une jauge :
- Une pour le type de la méthode (plus ou moins positive)
- Une pour la rapidité/efficacité
- Un pour le respect de l’état émotionnel de l’animal et son bien-être
Vous pouvez choisir le pourcentage que vous attribuez à chaque élément de notre triptyque.
Les choses se compliquent lorsque vous vous rendez compte que lorsque vous augmentez/diminuez le pourcentage d’une des jauges, cela a une incidence sur les autres, qui montent ou descendent à leur tour.
Car oui, nous partons du postulat que le type de la méthode, la rapidité de résultat et le respect de l’état émotionnel du chien sont intimement liés, au sens où ces 3 items interagissent entre eux. Quel est alors la bonne formule ? Le bon dosage ?
C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre!
Le type de méthode : méthode coercitive VS méthode positive
Afin de déterminer la bonne formule, il est bon d’en connaître les différents ingrédients. Nous allons donc commencer par définir ce qu’est la méthode classique, mais aussi ce qu’est la méthode positive.
La méthode classique
C’est l’une des méthodes de dressage les plus anciennes. Elle repose sur l’utilisation d’outils, tel que la laisse ou le collier, ainsi que de « l’incitation physique ». (Secret de chiens, de STANLEY COHEN).
Ses bases sont le renforcement négatif et la punition positive :
- Le renforcement négatif : il consiste en retirer un stimulus désagréable pour le chien
- La punition positive : on apporte un stimulus désagréable au chien
Un exemple pour être plus clair ? Pour l’apprentissage de la position « assis » :
Pour se faire je mets mon chien au pied, et je lui demande un « ASSIS », le chien ne le fait pas. Je tire fort sur la laisse pour l’obliger à s’asseoir (punition positive) : l’humain « incite » donc physiquement le chien à s’asseoir. Sous la contrainte physique des tractions sur la laisse, le chien finit par s’asseoir. Les tractions s’arrêtent (renforcement négatif).
Pour résumé :
« dans la méthode de dressage classique, on utilise surtout la punition, la privation, le recours à la douleur, ou diverses brimades lorsque l’individu ne répond pas comme on le voudrait. C’est la manière dont fonctionne le gouvernement, qui vous menace d’amendes ou d’emprisonnement si vous vous comportez mal. »
Secrets de chiens, par Stanley COHEN
La méthode positive
Ici, le principe sera essentiellement de récompenser les bons comportements (par une friandise, une caresse, un jouet…). Tandis que les mauvais comportements n’apportent aucune réponse, ou presque !
Cette fois ci, les bases utilisées seront :
- Le renforcement positif : on apporte un stimulus agréable au chien
- La punition négative : on retire un stimulus agréable au chien
Et bien évidemment, voici un exemple pour mieux comprendre la méthode :
Je me balade avec mon chien en liberté. Je l’appelle, il revient : je lui donne une friandise (renforcement positif). Il ne revient pas à ma demande, je le rattache, je le prive de sa liberté (quelque chose qu’il apprécie) : c’est une punition négative.
En résumé…
Le chien produit une action qui lui apporte quelque chose de bénéfique ! Tout est question de motivation !
Dans la méthode classique, la motivation principale sera de fuir… la contrainte, la douleur. Ou de la faire stopper.
Tandis que dans la méthode positive, la principale motivation sera l’obtention de la récompense, d’un élément agréable pour l’individu. Que cela soit la friandise, le jeu ou la caresse de l’être d’affection (l’humain).
Plus la motivation est forte, plus le chien s’exécutera. Et c’est valable pour les 2 méthodes !
Mais vous aurez compris que même si les 2 méthodes reposent sur la motivation de l’animal, son origine est totalement différente. La première situation illustre une motivation par évitement, alors que la seconde est portée sur la recherche du plaisir !
Quelles conséquences sur le chien et son comportement?
Nous allons aborder quelques notions de neurobiologie, certes basiques, mais qui vous permettront de mieux comprendre les réactions de votre partenaire à 4 pattes en fonction de la méthode éducative que vous allez décider de mettre en place.
Dans la méthode classique, nous venons de mettre en lumière que la principale motivation de l’animal est de fuir la contrainte et ou la douleur : ceci génère… du stress ! Surprenant ?
L’élément déclencheur du stress, le stresseur, autrement dit celui qui applique la méthode, bref appelons le « l’humain stresseur », va déclencher un ensemble de mécanismes physiologiques chez son chien :
- Libération de cortisol par les glandes surrénales, qui aura pour effet une augmentation de la glycémie et au final une augmentation de la réactivité chez le chien
- Une diminution du taux de sérotonine son l’organisme ayant pour effet une instabilité de son humeur, et un risque d’agression envers les individus présents dans l’environnement (y compris « l’humain stresseur »)
- Une augmentation du taux de noradrénaline qui va engendrer : une baisse de de la vigilance, une augmentation de la confusion, une hypersensibilité à l’environnement… Donc, au final, des troubles de l’attention et des difficultés de concentration… Comment demander au chien d’apprendre dans ces conditions ?
Parlons maintenant des méthodes d’apprentissage basée sur le plaisir et de leur effet. Pour cela, je vous propose à lire ce passage du livre d’Idris Aberkane qui invite à une réflexion sur les méthodes d’éducation choisi par l’humain :
« Dans la nature, le plaisir est essentiel à l’apprentissage. Les mammifères, par exemple, jouent pour apprendre. C’est même une nécessité : si le lionceau ne joue pas, il ne saura pas chasser ni se reproduire. Ce qui fait du jeu la manière la plus sophistiquée d’apprendre. Tout d’abord parce que le jeu est neuro-ergonomique, c’est-à-dire que, pour bien apprendre, nous avons besoin de tirer les conséquences de nos actes de manière immédiate.
À l’école, malheureusement, le délai entre le passage d’un examen et son résultat est assez long. Parfois même de plusieurs jours. Alors que, dans le jeu, la sentence est instantanée. On peut ainsi corriger plus rapidement ses erreurs. La méthode d’apprentissage ludique est perçue comme étant la plus efficace et nous vient directement de la nature : plus un animal est intelligent, plus il joue. »
Le biomimétisme par Idris ABERKANE
Les animaux, sont naturellement « cablés » pour apprendre par le jeu, par des expériences ludiques dont ils tireront les apprentissages essentiels afin de devenir des adultes équilibrés, connaissant les bons comportements à mettre en place. Cela leur garantira une bonne intégration dans le milieu dans lequel ils sont voués à évoluer.
Idris Aberkane va encore plus loin dans ses propos :
« L’amour peut également devenir une source d’apprentissage. Prenons l’exemple du jardinier satiné. Lorsqu’il est amoureux, cet oiseau construit un nid richement décoré d’objets bleus, couleur qui attire les femelles. Puis il danse sur son nid pour séduire ces femelles. En neurosciences, son comportement présente trois caractéristiques propres à un individu amoureux : la prise de risques, la persévérance et la précision. Son comportement est précis. La récolte d’objets bleus est un effort intellectuel qui nécessite de la précision. Mais si ses efforts ne lui permettent pas de séduire une femelle, il recommence, encore et encore : il persévère. Enfin, son nid, au niveau du sol, lui fait prendre un risque, vis-à-vis de ses prédateurs. D’un point de vue économique, ces trois caractéristiques permettent une meilleure productivité.
Conclusion : lorsqu’on est amoureux, on est plus productif ! L’homme libère différentes hormones, comme la dopamine, sécrétée lorsque nous jouons ou lors d’un orgasme, qui accentue nos comportements. Ces cocktails neuro-hormonaux favorisent l’excellence. Et lorsque la nature veut atteindre l’excellence, elle utilise le jeu, ou l’amour ! »
Le biomimétisme par Idris ABERKANE
Dans les méthodes inspirées du renforcement positif, le lien entre l’humain et son chien, ainsi que son approfondissement, est fondamental. On recherche la construction d’une relation « d’amour » entre le chien et son humain… La nature aurait donc tendance à nous démontrer que c’est là, une des clef de l’efficacité de l’apprentissage.
Or à l’inverse, nous avons vu que l’utilisation de méthode coercitives génèrent de la réactivité voire des risques d’agression envers « l’humain stresseur » : l’animal est noyé dans des émotions négatives… Où est le précieux « amour » dans ces moments-là ?
Point important:
En abordant les effets neurobiologiques de chacun de ces méthodes sur le chien nous venons de mettre en évidence la corrélation entre le curseur « plus ou moins de méthode positive » et le second « respect de l’état émotionnel de l’animal et de son bien-être ». Plus je mets de méthode coercitive, plus je baisse l’état de bien être de l’animal, et inversement.
Qu’en est-il pour la rapidité des résultats et l’efficacité de la méthode ?
Dans l’absolu, nous venons de voir que les 2 méthodes conduisaient à du résultat. Que ce soit par fuite de la sanction ou par recherche de plaisir, le chien va produire le comportement recherché. Avec les conséquences que nous avons détaillées.
Mais est-ce qu’une méthode est plus rapide que l’autre ? Car encore une fois, nous, les humains, on aime quand ça va vite !
Certains diront peu importe la vitesse des résultats, car ils placeront en place sacrée et prioritaire le bien-être émotionnel de l’animal, quel que soit l’objet de l’apprentissage : en faire un champion d’agility ou de ring, obtenir une marche en laisse parfaite, diminuer une réactivité congénère, stopper les destructions en cas d’absence… etc
Oui bien sûr ! Cela serait l’idéal ! Mais outre ceux qui se moquent tout simplement de savoir comment leur chien se sent sur le terrain mais qui seront uniquement focalisés sur leurs résultats il y a les autres. Les propriétaires de chiens et éducateurs canins qui doivent répondre à certaines problématiques, soumises à des exigences temporelles. Voici quelques exemples que je pourrais vous soumettre :
- Une femme de 70 ans s’offre le chien de ses rêves : un magnifique chiot boxer ! Jusqu’au 7 mois du chien, elle s’occupe seule de son éducation. Son mari étant handicapé. Puis elle en vient à consulter un éducateur car c’est la 3ème fois que son chien la fait chuter à force de tirer en laisse. Et la dernière elle s’est fait une entorse du poignet. Elle a peur de le sortir et de se blesser plus sérieusement… Oui, sans doute qu’elle n’aurait jamais du prendre un chien de cette race, mais ça y est, il est chez elle, à elle, elle l’aime. La personne a du mal à manier la laisse, le harnais anti traction n’est pas assez efficace, la personne souffre de problèmes d’équilibre… Jetteriez-vous la pierre à l’ éducateur qui va proposer dans un 1er temps, afin de sécuriser le couple humano canin, un collier étrangleur ?
- Une famille vivant en quartier pavillonnaire adopte un berger australien. Au fur et à mesure des mois qui passent, le chien aboie, de plus en plus, dès qu’il voit le moindre mouvement derrière le grillage. Les panneaux occultants placés seulement il y a quelques semaines ne suffisent pas. Dès que le chien perçoit du mouvement ou entend un bruit il aboie et court le long de la clôture. Les tensions avec le voisinage deviennent invivables, des menaces ont été proférées à plusieurs reprises. Les propriétaires refusent catégoriquement de le laisser le seul à l’intérieur de la maison pour X raisons (destructions, aboiements, raisons professionnelles…). L’éducateur canin n’est sollicité qu’une fois que la situation est devenue urgente et ingérable (tensions avec le voisinage, au sein du foyer, chien surexcité…). Est-ce que cet éducateur « gronde » cette famille en leur expliquant qu’ils ne répondent pas aux besoins physiologiques de leur chien ? Que ses habitudes de vie ne comblent pas ses besoins ? Que l’animal est frustré, manque d’auto contrôle ? Et qu’il faudra du temps pour rectifier tout cela ? En ignorant l’urgence de la situation ? Peut il, en 1ère intention, proposer un collier anti aboiement, le temps de mettre un protocole de travail sur du moyen et long terme ?
Ces questions, sont je le précise, totalement ouvertes !
Alors… Quoi faire?
A ma connaissance, il n’y a pas d’étude ayant défini si les méthodes coercitives étaient plus rapides en terme de résultats que les méthodes positives.
Par contre, aux vues de ce qui a été dit précédemment, voici un mode d’emploi qui nous apparaît comme correct, afin de placer chacun des 3 curseurs de la manière la plus juste possible :
- Quel que soit la problématique à aborder, il faut toujours assurer la sécurité des humains et des 4 pattes
- Il faut toujours avoir à l’esprit le respect de l’état émotionnel du chien et son bien-être, autant que possible
- A partir du moment où la situation est sécurisée, le facteur temps ne devrait pas être priorisé. Afin d’utiliser les meilleurs bras de leviers sur votre chien (recherche de plaisir, renforcement du lien d’amour…), il faut prendre le temps de créer des situations ludiques, enrichissantes qui guideront le chien vers le comportement recherché plutôt de simplifier la démarche par « soi tu fais ce que je veux, soi tu vas ressentir de la douleur physique et/ou psychologique » ! La démarche est binaire et ne saurait répondre à la complexité et l’intelligence de l’esprit de nos compagnons canins.
En conclusion
Ainsi, nul besoin de se montrer extrême dans le choix de telle ou telle méthode d’éducation. En terre du Milieu canin, il faut savoir explorer le terrain, observer, apprendre, faire preuve de recul avant de choisir de partir à l’aventure, sans prendre la juste mesure de ses actions. Alors oui, les orques et les Elfes ne feront sans doute jamais alliance ensemble, mais nous pouvons espérer que lorsque le respect du chien guidera la conduite des habitants de la Terre du Milieu Canin, alors nul besoin d’un savoir Unique pour les gouverner tous ! Chacun pourra écrire son propre récit.
2 commentaires
Hardy
Bonjour pourriez-vous m’aider j’ai un malinois et mon fils est de retour chez nous avec un labrador et le souci c’est que mon malinois est tout le temps en train d’embêter le labrador il veut jouer il lui saute dessus son plus grand plaisir c’est se mettre au-dessus de lui et gronier Parce qu’il veut pas jouer avec lui comment lui faire passer ça car je suis pas confiante pour les laisser tous les deux la journée dehors
Tam Dog Team
Bonjour, le mieux dans ces cas là est de vous faire accompagner par un éducateur canin en présentiel. Il pourra analyser avec vous, en temps réel, les interactions entre les 2 chiens. Et oui, mieux vaut éviter de les laisser seul au début de la cohabitation.